Alors qu’il était de jurisprudence constante que des mails provenant d’une messagerie professionnelle ne pouvaient être licitement collectés et utilisés par un employeur en l’absence de déclaration préalable de la messagerie auprès de la CNIL, la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juin 2017 n°15-23.522a précisé les contours de cette restriction.

L’affaire concernée porte sur le licenciement d’un salarié pour insuffisance professionnelle. Considérant son licenciement comme abusif -puisque dépourvu de cause réelle et sérieuse- il engage une action contre son ancien employeur. La société visée, pour justifier sa décision, présente des échanges de mails avec le salarié licencié. Ce dernier soulève le fait qu’en l’absence de déclaration préalable de la messagerie professionnelle auprès de la CNIL, la société a obtenu et utilisé ces mails de manière illicite, et qu’il faut donc les écarter des débats. Il se fonde à ce sur titre sur :
– L’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, prévoyant que « les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » ;
– Le fait que les messageries professionnelles sont des systèmes de traitements automatisés de données à caractère personnel et, qu’à ce titre, elles doivent donc être déclarées si elles font l’objet d’un dispositif de contrôle de l’activité.

Par une décision rendue le 8 octobre 2014 portant sur un licenciement abusif, la Cour de cassation avait jugé que ne pouvaient pas être utilisés à l’encontre du salarié, des mails émis à partir d’une messagerie appartenant à l’employeur, mais à des fins personnelles, si aucune déclaration préalable auprès de la CNIL n’avait été faite. Dans cette affaire où une salariée envoyait mensuellement plus de 600 mails personnels avec sa messagerie professionnelle, la société n’avait pas pu présenter ces pièces afin de justifier le licenciement, puisqu’aucune déclaration auprès de la CNIL n’avait été faite.

En l’espèce, la différence vient du fait que les mails présentés concernent des échanges entre la société et le salarié licencié.
Rappelant « qu’une messagerie professionnelle ne constitue un système de traitement automatisé de données personnelles qu’en cas de traitement des données collectées […], telles que les carnets d’adresses des salariés, leurs comptes individuels, [les] données de gestion administrative des personnels », la Cour de cassation considère ici que la société n’a pas collecté ces mails de manière illicite puisqu’ils lui étaient adressés. Ils ne nécessitaient donc pas de traitement.
Elle précise de plus que dans ces conditions, le salarié ne pouvait ignorer que de tels mails puissent être enregistrés et conservés. Dès lors, la Cour de cassation ne juge pas opportun l’argument du défaut de déclaration de fichier à la CNIL.
Par cette décision, la Cour de cassation affine sa jurisprudence sur l’utilisation des messageries professionnelles.

Rappelons que toute entreprise non pourvue d’un correspondant Informatique et Libertés, devrait prévoir une charte informatique afin d’encadrer et renseigner les obligations et droits de chacun au sein de l’entreprise.
N’hésitez pas à consulter à ce sujet votre avocat en propriété intellectuelle.

Jeanine AUDEGOND
Lucile DUSCHA